La (Seconde) Guerre du football n'aura pas lieu

Publié le par Adel TAAMALLI

1969 reste une année célèbre dans l'imaginaire du peuple français : c'est durant celle-ci que De Gaulle a définitivement quitté le pouvoir, ou que l'Homme a foulé pour la première fois le sol de la lune. Peu de gens savent qu'elle fut une année tragique pour le football : le Salvador et le Honduras, à l'issue d'un match de football entre ces deux nations, se sont livrés une courte guerre d'une centaine d'heures. Pour cette raison, ce conflit a reçu le nom de « Guerre du football ». S'il s'agit d'un cas unique dans les annales de l'Histoire, y-a-t-il possibilité de voir à nouveau un tel type de guerre éclater ?


Histoire- fiction (ou uchronie) d'anticipation :


Jeudi 8 juillet 2010 à partir de 7h00 (heure coréenne) : Les images des injustes décisions arbitrales prises aux dépens de la Corée du Nord créent le buzz sur les sites de partage d'image (youtube, dailymotion,...). Il apparaît que le but égalisateur inscrit à la toute fin des prolongations par Park Chu-Young est largement hors-jeu et que deux penaltys en faveur de la Corée du Nord n'ont pas été sifflés alors qu'il y avait sans doute faute.

Jeudi 8 juillet à 7h37 (heure coréenne) : la Corée du Nord reprend les hostilités arrêtées en 1953 et envahit son voisin sud-coréen. Le déclencheur de cette attaque repose sur l'amertume des soldats nord-coréens postés à la ligne d'armistice qui viennent de voir leur équipe favorite éliminée par la Corée du Sud en demi-finale de la Coupe du monde football en Afrique du Sud. Des incidents frontaliers s'ensuivirent. La décision gouvernementale de 7h37 a une double raison : le pouvoir communiste a trouvé, par anticipation, avant qu'elle ne se retourne contre lui-même, un exutoire de force à la profonde tristesse du peuple après la défaite de l'équipe de football ; il compte, par ailleurs, sur la peur que peut susciter son arsenal nucléaire pour espérer ne pas subir une défaite irréversible face à l'armée régulière sud-coréenne beaucoup plus moderne. Avertissement donc est donné au même moment à l'ennemi que des frappes aériennes sur le sol nord-coréen conduiraient à l'utilisation immédiate de cet arsenal.

Jeudi 8 juillet vers 13h00 (heure coréenne) : l'armée sud-coréenne réussit à bloquer l'offensive de sa voisine du Nord, du fait de son armement plus moderne et performant. Le front se stabilise à une trentaine de kilomètres au Sud de la ligne d'armistice. Pour autant, le pouvoir politique a interdit aux chefs militaires de la Corée du Sud de frapper le territoire nord-coréen, de peur de représailles nucléaires.

Jeudi 8 juillet vers 12h45 (heure de Pékin) : informé de l'avertissement de la Corée du Nord, la Chine fait savoir aux Américains qu'une intervention de leur part conduirait l'Armée populaire à franchir la Mer jaune et à se mêler au conflit.

Jeudi 8 juillet vers 8h00 (heure française) : dans l'émission Télématin sur France 2, Pascal Boniface, auteur de « Football et mondialisation », parle de « Seconde Guerre du Football ». Il appelle la FIFA à accéder à la requête émise par la Confédération Asiatique du Football (l'AFC), et reprise en France par, entre autres, la ministre déléguée aux sports Rama Yade, et les anciens footballeurs Lilian Thuram ou Eric Cantona, de permettre à ce qu'une équipe de football de Corée réunifiée, pour la finale, soit composée de membres de l'équipe de Corée du Sud et de Corée du Nord, à l'image de ce qui se passe depuis un certain nombre d'années lors des Jeux olympiques.

Jeudi 8 juillet vers 9h00 (heure de la côte-est des États-Unis) : la réunion de crise du Conseil national de sécurité présidée par Barack Obama vient de se terminer à la Maison-Blanche. Le président lui-même se rend à la salle de presse où attend une foule innombrable de journalistes : le message du président est clair, si l'armée nord-coréenne ne se retire pas des positions acquises depuis le déclenchement de cette « Seconde guerre du football », les « Etats-Unis d'Amérique seraient forcés d'intervenir militairement », et ce, « malgré la menace nucléaire ». Il annonce avoir donné l'ordre à la 7ème flotte des Etats-Unis, dont le quartier général est à Yokosuka au Japon, de se mettre en état d'alerte.

Jeudi 8 juillet vers 20h00 (heure française) : Pierre Ménès, chroniqueur de football, émet l'idée, dans son blog de football (« Pierrot le foot » sur yahoo !), que la FIFA a sans doute truqué les tirages au sort de façon à éviter un affrontement direct entre les deux Corées. Cette idée fut reprise le lendemain dans les journaux français, puis le surlendemain dans la presse internationale. Ils convinrent tous qu'en effet, un concours incroyable de circonstances, défiant tous les pronostics, a permis que ce match entre la Corée du Sud et la Corée du Nord ait eu lieu.

Jeudi 8 juillet vers 16h00 (heure coréenne) : de peur d'une percée sud-coréenne, Pyongyang (capitale nord-coréenne) fait exploser une bombe atomique en plein Océan Pacifique en guise d'ultime avertissement. La Corée du Sud doit rendre les armes si elle ne veut pas connaître une fin terrible !

Vendredi 9 juillet vers 9h00 (heure de la côte-est des États-Unis) : le Conseil de sécurité de l'ONU est en réunion depuis une dizaine d'heures lorsque la résolution n° 1931, votée in extremis (la Chine n'a pas utilisé son droit de véto, en s'abstenant), appelle à une cessation immédiate des hostilités, au retrait des forces nord-coréennes du territoire sud-coréen et à une condamnation de l'utilisation de l'arme atomique en guise d'avertissement effectuée par la Corée du Nord.

Vendredi 9 juillet vers 15h00 (heure suisse) : la réunion de crise au siège de la FIFA à Genève demandée par Sepp Blatter, président de l'institution, vient de se terminer. La FIFA accède à la demande faite par la Confédération asiatique de football de permettre à ce que des footballeurs nord-coréens intègrent l'équipe de Corée du Sud pour la finale. Le président réfute, par ailleurs, les accusations de tricherie dans les tirages au sort. Enfin, il annonce que la finale entre la Corée (Corée du Sud et Corée du Nord) et les Pays- Bas aura bien lieu, comme prévu, le 11 juillet à Johannesburg. L'Angleterre est déclarée 3ème, sans avoir à jouer de petite finale, une première dans l'histoire de la Coupe du monde. D'aucuns annonceront le lendemain que l'acceptation de la FIFA se fit sous la pression des grands gouvernements de ce monde, et ce, dans l'intention de calmer le jeu sur le front coréen.

Vendredi 9 juillet à partir de 22h00 (heure coréenne) : une percée est opérée sur le front par l'armée sud-coréenne. La stratégie consiste à prendre en tenaille les divisions nord-coréennes, avec comme but officiel de reprendre les territoires perdus sans pénétration dans le pays ennemi. La victoire sud-coréenne sur le terrain est totale.

Samedi 10 juillet à partir de 4h00 (heure coréenne) : les lambeaux de l'armée nord-coréenne encore sur pied se retirent en bonne ordre après annonce faite par Pyongyang. Le pouvoir nord-coréen annonce une victoire militaire à son peuple : « Grâce à l'action héroïque de nos soldats, nos vaillants footballeurs, injustement éliminés, auront l'honneur de participer à la finale de la Coupe du monde de football et de montrer que notre nation est puissante et prospère» (Kim Jong-il devant des centaines de milliers de personnes rassemblés sur la place Kim Il-sung).

Cette « Seconde Guerre du Football » n'aura heureusement pas lieu. Cependant, l'enseignement de cette histoire-fiction (ou uchronie) est que le football peut avoir des répercussions immenses, pour le meilleur comme pour le pire...

Chronique reprise en référence par Chérif Ghemmour, dans Terrain miné, paru aux éditions Hugo Sport en 2013

Publié dans Acontrefootball

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